Ancenis Express (partie III)

Par Isaïe Biotteau.

Confession d’un fêtard pommé

Vint le moment tant attendu de l’apéro. D’abord, le blondinet avec le menton en cul de poule sortit deux fûts de bières Heineken et les posa sur une table. La soif brûlante, Ririk pressa le machin sur le flux. Le puissant jet de mousse sortit de la bonbonne en furie, Ririk essayait vainement de faire atterrir le liquide dans son gosier : c’est sur ses chaussures que le jet régénérateur atterrit. Dr Flamant revint triomphant, le paquet de Curly dans les bras.

Les types autour nous regardaient mal, il y a de quoi ! On s’incruste sous leur toit, dans leur petite réunion et on fout tout à sac ! Pas habitués à l'appétit féroce, ils nous jugent, se soufflent des moqueries dans les oreilles… Je me marre, c’est la seule chose à faire non ? Il faut aujourd’hui encore avoir l’humour… On se restreint pour les autres, pas pour nous… Et quand on ne pourra plus rien dire, on chialera, mais on nous avait déjà tout enlevé… 

Le cri énervé du blondinet alerta toute la populace. Curieux, on se pressait dans le vestibule de l'entrée pour voir ce qui se passait. Sur un banc,Il y avait une invitée qui avait picolé avec sa pote la moitié des bouteilles d’alcool de la soirée ! 

Je ne sais pas comment elle avait fait, mais elle tenait plus debout ça c’est sûr. Ses yeux partaient à gauche, à droite, puis ça se barrait derrière, on la voyait plus sa pupille. Les autres, ils pestaient parce qu’on leur retirait leur seul moyen d’amusement. Je les comprends. Mais là, le blondinet qui foutait une tarte à la fille pour la ramener sur terre dit qu’on a plus qu’à se mettre sur les sodas. Le problème, c’est que si tout le monde picole la seule chose que je peux boire, moi, je vais me faire chier.

Profitant de l’agitation, je partis dans la salle d'à côté, attrapant l’ice tea marque repère que j’avais acheté, je disparus dans mes appartements. C’est dans la douche que je planquai la bouteille. « Personne ne viendra me la voler ici ! » pensai-je. Je l’ouvre, et commence à me vider un quart des 2 litres de la bouteille. « Il est hors de question de faire profiter ces cons là ! » Je continuai de boire assis dans la douche comme une sorte de camé pendant au moins cinq minutes en étant happé par mon fil Instagram.

Ririk débarqua dans la chambre. On pouvait enfin se rendre dans la piscine piquer une tête. Je me changeais. Je traversai ensuite le splendide palace dans mon plus beau short de bain.

Là, devant le bassin tout le monde attendait quelque chose. Ririk et Dr Flamant me rejoignirent. À trois, nous étions les parfaits descendants des héros grecs : nos musculatures imposantes ayant vaincu toutes les guerres, elles rappelaient les exploits d’Achille à Troie. On goûta la flotte en se mettant une lichette sur la nuque. Un peu froide, pas ce que j'espérais. La déception est grande, inconsolable ; si terrible qu’elle soit, je saute en piqué dedans. Ririk et Dr Flamant me suivent avec détermination. Là, nous restâmes au milieu du bassin à nager sur place en attendant les autres. J’en eus marre, alors je remontai d’un bras sur le côté, en exposant mon corps herculéen, et je fit une bombe dont les retombées se répercutèrent sur les autres attendant sur le côté. Là encore, les regards meurtriers nous fusillèrent dans un tonnerre de malédiction. 

Au loin une voiture arriva à toute berzingue dans un nuage de poussière visible à des centaines de mètres. À quelques mètres de la grille, elle drifta, propulsant des gravats dans les douves. Il en sortit un grand métisse a l’allure charismatique en costume Father and Son, un asiatique portant un polo Lacoste, et un blanc en chemise avec une petite barbe bien taillée. Les invités se ruèrent vers eux pour les saluer. Nous sortîmes pour saluer ces messieurs. Une fois l’agitation passée, les autres invités ayant attendu qu’on soit sorti de la piscine pour y aller tous, je discutai avec le grand métisse qui se trouvait être producteur ! Producteur d’audiovisuel et de musique si ma mémoire ne déjante pas (c’est qu'à ce moment-là, je commençais déjà à fatiguer).

Je ne me souviens plus de son nom, je crois ne l’avoir jamais su en fait.  S’il y a un truc dont je suis sûr, c’est que lui et le blanc qui l’accompagnait avaient le même prénom, alors d’un accord commun il a été décidé de les appeler Jojo one et two.

Jojo (je ne sais plus lequel) me raconte son quotidien de jeune producteur, à la rencontre d'artistes indépendants et de jeunes cinéastes. J'étais captivé par ce qu’il racontait. 

Je lui demande : 

- C’est rentable ton histoire ?

Il me regarde, allume sa clope : 

- Absolument pas !

Ma fascination venait de chuter. Ce n'était certainement pas grâce à l’argent qu’il gagnait qu’il avait pu se payer son costume…

***

- Dis-moi, la spé cinéma au lycée elle est bien ?

- Oh non… Moi ça ne m'intéresse pas, je me suis mise dans cette spé comme ça, me répond l’une des filles.

- Ah ouais ? … 

Ma tentative d’approche sur le cinéma venait de s’écrouler. Pourtant l’espoir fait vivre. J'accours auprès d’une autre fille de la spécialité.

- Dis-moi, la spé cinéma au lycée elle est bien ?

- Je ne suis pas venu de l’année.

Encore. La déception est un sentiment à rebours qui ne submerge qu’une fois au fond. La suivante doit forcément être une passionnée (comme moi), qui a dû voir Taxi Driver, le Parrain, Apocalypse now ou même Scarface et Casablanca ! 

- Dis-moi, la spé cinéma au lycée elle est bien ?

- Franchement c’est incroyable.

- Ah oui, vous y faites quoi ?

- On regarde des films, des exos mais surtout des cours.

L’espoir renaît au fond de cette mouise. La conversation avance parfaitement sur les points de vue techniques et matériels. Cependant, ce qui m’intéresse c’est surtout le cerveau de celui qui produit une œuvre. Ce que j’entends par là, c’est comment elle voit le cinéma et l’art.

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